L'important n'est pas de nous déplacer mais bien de nous élever. Nous voulons traverser la dernière

lundi 10 juin 2013

Rencontre interpellante avec Tin Tin et les jeunes filles du "Mine Thouk Orphanage"

On se sent plus qu'invité. Nous voici sur les bancs...
Après nous être renseignés sur les possibilités de visiter un orphelinat dans la région du lac Inle, nous arrivons après 40' de balade à vélo, dans le « Mine Thouk Orphanage ».

Comme dans la plupart des endroits où l’on arrive au Myanmar  (restaurants, banques, location vélo, pagodes, gare de bus, etc.), il n’y a pas besoin d’être attendu pour être bien accueilli (toujours une personne se dirige vers nous avec un grand sourire et nous propose son aide).

Une femme se dirige immédiatement vers nous, nous invite à entrer, à poser nos vélo  et nous fait signe de patienter quelques instants. 



Tin Tin met beaucoup d'énergie dans ses explications.

C’est Tin Tin Nu (suerosenu@gmail.com) qui nous reçoit et prendra tout son temps pour nous.

Avant d’arriver à la gestion de l’orphelinat il y a 6 ans, elle travaillait comme professeur d’anglais 8 années durant dans un monastère. Autant dire que la rigueur et la précision sont au rendez-vous dans la maison.

Nous sommes surpris encore une fois de la facilité avec laquelle on communique ici avec presque n’importe qui.  Dans son plus bel anglais, elle nous installe et entame une présentation claire et structurée de son orphelinat. 




Les 63 filles et les 40 garçons hébergés ici viennent du nord, principalement des ethnies en guerre avec le régime en place. Ils ont perdu leurs parents dans la guerre ou n’ont plus que leur maman ou leur papa qui ne sait pas s’occuper d’eux. Nous visitons l’orphelinat des filles.

L’orphelinat créé en 2003, bénéficie d’un financement de 1000USD/mois par une fondation néerlandaise (www.careforchidren.nl) et de 3000USD/an par le gouvernement qui soutient l’initiative. Tout cela permet de financer les petits salaires des trois personnes qui travaillent là pour soutenir les filles, mais encore pour payer la nourriture, les soins etc. C’est aussi la fondation Néerlandaise qui a permis la construction d’un bâtiment séparé pour les garçons, en 2008. 

Tin Tin explique que les garçons et les filles vivent dans des bâtiments différents, mais ils peuvent se voir pendant les weekends et les temps libres.

Elle précise qu’à cet âge, il est important de préserver leur intimité. Anouck pose alors ses premières questions : « pourquoi, comment etc. », « je comprends », « … et les frères et sœurs, ils peuvent se voir? », etc. La directrice lui répond toujours de façon claire mais aussi en direct, d’une façon qui interpelle Anouck et la remue sur sa propre réalité de vie à elle. 





Un vrai dialogue s’installe alors entre elles deux au fil des explications, alors que Manon fait semblant de ne rien entendre, que Camille bricole un peu plus loin et que nous traduisons ou apportons notre graine à l’échange. 

Moment d'échange entre nous et les enfants.
Ti Tin poursuit : « A l’orphelinat, tous les enfants sont encadrés, mais juste pour apprendre à se débrouiller tout seul. Ils font à manger tout seul, font leur planning tout seul, nettoient, lessivent tout seul etc ».  Tout ça dans un but d'autonomisation.  Quand ils quittent l'orphelinat, ils doivent pouvoir se débrouiller seuls.

Anouck trouve cela très strict mais bien parce qu’ils apprennent au moins comment se débrouiller, ce qu’elle ne saurait pas faire elle si nous disparaissions demain précise-t-elle.

Elle ajoute qu’elle voudrait bien aussi apprendre plus à faire les choses à la maison (On se regarde et… cela ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd… parfait cette petite visite !).  



Catherine et moi pensions… et si en dehors de l’école on pouvait laisser le temps à nos enfants de s’assumer et d’apprendre à se gérer en plus du fait de jouer.  Nous glissons à Manon et Anouck une promesse… « En rentrant, on vous expliquera comment nettoyer vos chambres, faire la lessive et la cuisine, et nous aider dans les tâches ménagères, … ». Mais on sait que le plus difficile sera pour nous de nous laisser le temps de vivre ça, plutôt que de faire trop, plus vite à leur place, en les occupant à coup de télévision ou autres moyens de diversions utiles aux parents pour avancer plus vite dans leur train-train quotidien. 

Manon écoute sans écouter et Tin Tin continue : « Pour s’organiser, les enfants se choisissent un leader. C’est celle qui est désignée par les autres enfants et qui doit faire en sorte que tout se passe bien autour d'elle.  Elle fait respecter l'ordre ».  Ainsi, explique la directrice à Anouck, « elles apprennent à s’autogérer… ». Oups, « c’est quoi s’autogérer maman ?». Les réflexions vont bon train et Anouck n’en revient pas que tout cela soit possible à cet âge. Mais elle est surtout interpellée par le rôle et le positionnement du leader. Elle demande alors à la directrice comment elle fait pour se faire obéir de tous.  Elle obtient comme réponse qu’après trois avertissements du leader, ce dernier peut rapporter les difficultés à la directrice, qui convoque alors la fille qui sème le trouble.  

Manon pose alors la question de savoir où se lavent les filles.  Tin Tin lui répond que la plupart préfèrent se laver au tuyau dans le jardin, mais que certaines prennent parfois leur douche à l’intérieur.   Anouck se souvient alors de ses douches en sarong à même la rue lors de nos séjours chez l’habitant au Laos.  Elle demande alors comment s’organise la journée et Tin Tin explique ce qui suit.   

Les enfants se lèvent successivement des plus âgés en premier qui se mettent au travail dès 6h le matin, aux plus jeunes en dernier lieu.  Anouck s’étonne que les plus grands doivent se lever plus tôt pour étudier et trouve cela dur. "C'est normal, elles ont plus de travail" répond Tin Tin.

Après  les devoirs revus et corrigés par Tin Tin, ils se rendent dans la salle de méditation, pour 15’ de prière et de recentrage sur soi.  Anouck qui a déjà pratiqué la méditation demande pourquoi les enfants font cela tous les jours.  Tin Tin répond que la méditation sert à se calmer, à concentrer leurs esprits sur ce qu’elles font présentement et pas sur les problèmes ou difficultés.  Ainsi, elles sont de nouveau pleines d’énergie pour repartir à l’école et sont plus concentrées dans les classes.  Anouck approuve mais dit qu'elle nous pourrait pas faire la même chose. Tin Tin insite, comme si elle sentait qu’Anouck n’avait pas encore assez vibré à ce qu’elle disait. Elle ajoute que cela leur permet aussi de mieux pardonner et de ne pas être dans la revanche. La méditation sert à calmer l'esprit afin d'avoir un comportement exemplaire.  Si notre esprit n'est pas calme, on ne peut pas adopter un comportement clame.  Notre esprit a besoin de temps et de repos pour accepter mieux ce/ceux qui l'entoure. Les comportements d'une personne à l'égard d'une autre, sont le reflet de son propre état d'esprit.

Toutes les paroles de Tin Tin  résonnent dans notre tête et celle d'Anouck comme si nous ne voulions passer à côté de quelque chose d’essentiel et qui nous serait confié comme un trésor pour la vie. 

Assis en silence, mangeant dans la cantine.
Le petit déjeuner est servi puis les enfants partent pour l’école vers 7h30’. L’école commence à 8h et termine à 15h30’.  A leur retour les enfants font leurs devoirs, puis la lessive et aident ensuite à nettoyer et cuisiner pour le repas du soir.
Anouck demande alors : «  mais quand est-ce qu’ils jouent ? » et Tin Tin lui répond qu’ils ont 15’ avant leurs devoirs pour du temps libre. 
Tout le monde mange à 17h30’. « Quand ils mangent ils doivent se taire et ne mangent pas pour le plaisir mais pour se nourrir.  On se tait car on pense à la nourriture qui entre dans notre corps» explique Tin Tin. C’est ainsi dans le Bouddhisme. 
Anouck souligne spontanément auprès de son interlocutrice, que chez nous, à table, c’est justement le moment pour tout le monde d’échanger et de parler. En plus on mange pour notre plaisir ! Tin Tin répond que dans leur culture, c’est très mal poli. « Alors là, ils sont vraiment complètement différents de nous ! » réplique Anouck. 

Tin Tin la sent interpellée et répond que quand les enfants mangent, ils mangent.  Ainsi, ils s’organisent dans une journée pour trouver le temps de  laver les vêtements, les draps et moustiquaires, le temps de manger, de parler, mais aussi  de jouer etc. Il y a un temps pour chaque chose!  Quand on mange, on ne fait que manger, quand on travaille, on ne fait que travailler, etc. On fait une chose à la fois et notre esprit aussi est moins mis à l'épreuve.  On se concentre sur la tâche qu'on est en train d'effectuer sans penser déjà à l'autre qui arrive.  C'est encore une belle leçon de vie pour nous occidentaux qui avons l'habitude de courir partout et faire tout dans tous le sens.  Ici, on prend le temps, ce temps si précieux qui nous manque en Europe et que nous savourons en voyage.

Vient ensuite le temps de la prière et la méditation avant de se remettent à travailler durant la soirée. Les plus petits vont dormir avant, les moyens et les plus grands suivent enfin, ils ont besoin de plus de temps pour travailler pour l’école. « Mais le matin, ils se lèvent aussi très tôt parce qu’ils doivent encore faire leurs devoirs » rétorque Anouck. C'est dur!

Anouck se présente et cherche la Belgique avec du soutien!
Tin Tin lui répond que "les filles ici adorent apprendre et adorent l’école. Elles connaissent la chance qu’elles ont de pouvoir apprendre, comme toi tu as cette chance énorme de nous rencontrer aujourd'hui et de découvrir d'autres choses demain en voyage. Tu vois, même durant ces trois mois de congé d’été, elles travaillaient ici chaque jour pour ne pas oublier les acquis, apprendre l’anglais ou la dactylographie". Elle fait encore remarquer à Anouck que nous sommes le dernier jour des trois mois de vacances d’été et que toutes les filles sont impatientes de retourner à l’école demain.






Tin Tin dit qu’elles ont beaucoup de chance aussi parce qu’en dehors de l’école, en plus d'apprendre l’anglais ou le traitement de texte à l'orphelinat, tous les matins, on leur propose des activités diversifiées comme la couture, le jardinage, le sport où elles excellent dans la discipline du volley ball et sont sélectionnées chaque année pour des tournois régionaux.  Elles peuvent confectionner des broderies et recevoir  500 Kyats (50 Euros cents) pour 4 pièces confectionnées, en guise d’argent de poche. Anouck nous en redemande et Manon nous fait promettre qu’en rentrant elles auront bien l’atelier bricolage qu’on leur a promis pour apprendre de nouvelles choses. 

"Ça, c'est trop le rêve papa et maman!"
Manon demande alors où les filles dorment. Tin Tin explique que les filles dorment dans les dortoirs à plus de 16. Il y a deux dortoirs en tout.

Anouck trouve ça trop chouette de dormir entre amies et nous rappelle que si on voulait la mettre en internat, ça ne poserait pas de souci que du contraire…
"Mais ici, tout est si propre et bien rangé, pas comme dans notre chambre..." . C'est d'ailleurs l'impression générale que nous avons par rapport à d'autres orphelinats visités.  






La rigueur est au rendez-vous de chaque instant de la journée ici à « Mine Thouk Orphanage ».  C'est sans doute une influence de ce Bouddhisme Teravada (sa forme la plus rigoureuse) largement ancrée dans les moeurs par ici au Myanmar et peut être encore davantage grâce à Tin Tin qui a enseigné 8 ans dans un monastère avant d'arriver ici à l'orphelinat.

Auto-apprentissage de la dactylo version anglo/birmane.
Nous sommes ensuite  emmenés dans les salles d’informatique ou de méditation etc, mais nous ne nous attendions pas à nous retrouver enfin de parcours, assis tous les cinq devant tous les enfants, à les écouter se présenter et à répondre aux questions qu’ils posaient à tour de rôle à nos filles.
Un réel échange s’installe entre les enfants, Anouck et Manon.  Nous vivons un grand moment, impressionnant et marquant.
Au bout d’une grosse demi-heure, Tin Tin lève la séance pour laisser les enfants passer à table.  






Anouck nous avouera après la visite qu’elle a vraiment été « marquée », par ce qu’a raconté Tin Tin. Elle nous dit que ça lui a fait comprendre plein de choses vraiment différentes d’ici à chez nous. Manon nous dira qu’elle a vraiment aimé quand nous étions tous les cinq assis devant tous les enfants dans la classe pour leur poser des questions.
De notre côté, nous recevons encore cette visite comme un merveilleux cadeau.  Nous avons cette belle sensation d’avoir appris quelque chose à travers un partage sans précédent, un de ces moments créé de toute pièce aussi spontané qu’authentique, mais éphémère aussi.  Nous savons maintenant comment gouter mieux à ce genre d’expérience empreinte de tant de valeur(s). Nous les savourons d’autant plus.



Nous saluons tous les enfants et Tin Tin, avant de repartir pour l'autre rive du lac.
Poussés de l'avant par ce bon moment, pleins d'énergie positives et encore un peu différents d'avant, nous glissons nos vélos sur un bateau pour d'autres rencontres et d'autres aventures en famille !

En route pour un nouveau départ !










2 commentaires:

  1. C'est magnifique, plein de bonheur et d'émotions ! Merci pour ce partage précieux !
    (et je répète, merci pour le pari plus que tenu vu que mon commentaire s'est évaporé avec un de vos textes, vous êtes très beaux en birmans) :-)
    Très bonne continuation !
    Steph

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Coucou Steph,
      Nous avions bien pris note de ton commentaire, mais tu fais bien de le remettre parce qu'effectivement nous avons du le faire sauter avec l'article. Donc comme tu vois, pari tenu ! On est ici comme des petits poissons dans l'eau, les filles reçoivent des cadeaux et sont choyées par les Birmans à longueur de journées. Inutile de te dire (puisque tu connais le pays) que nous vivons des moments précieux dans des paysages magnifiques et entourés de gens d'une gentillesse jamais encore rencontrée auparavant. On savoure et on t'envoie pleins de gros bisous birmans en attendant de gouter avec toi au Barbancourt haïtien !

      Supprimer

Fais-nous un clin d'oeil, c'est tout simple et ça fait plaisir !