L'important n'est pas de nous déplacer mais bien de nous élever. Nous voulons traverser la dernière

mercredi 16 janvier 2013

Cambodge, nos impressions personnelles, notre bilan !


Il faut imaginer qu'en quittant un pays industrialisé, agité et développé comme la Belgique (...la Thaïlande), 200 m derrière le poste frontière, vous croisiez d'un seul coup des dizaines d'hommes torses nus poussant d'énormes charettes chargées à plus de 10 m de hauteur, des enfants courant partout autour de milliers de déchets qui jonchent les abords des chemins et polluent les campagnes les plus reculées, plus de vélos que de voitures, des chars à boeufs en lieu et place des tracteurs et des sourires tirés jusqu'aux oreilles par des gens qui vivent au rythme lent et exclusif de l'agriculture et de la pêche et qui se déplacent sur des pistes plutôt que des routes.

Bienvenue au Cambodge !

D'abord, le Cambodge, gorgé d'eau partout, brille des reflets magnifiques du soleil, sur les rizières qui s'étalent à perte de vue, ses temples, ses lacs et rivières aux eaux troubles, ses montagnes boisées et la peau des habitants qui transpirent une chaleur certaine. Mais si le Cambodge fascine par sa nature, il faut aussi dire qu'il impressionne par l'histoire de la civilisation khmère. Le site d'Angkor et l'histoire des dynasties khmères équivalent à notre goût à celles des Mayas ou des Incas.

Mais le Cambodge interpelle aussi violemment par son hisoitre plus contemporaine. Les 25 ans de guerre laissent encore des stigmats forts sur les personnes et il faudra sans doute compter encore une nouvelle génération (les enfants des enfants actuels) pour sortir plus franchemment le pays de sa situation.
Imaginez encore sur place :
- Que les chauffeurs de taxi ne parlent pas un seul mot d'anglais. Pour traduire ce que vous souhaitez, ils appelleront des amis qui traduiront pour vous.
- Que le type qui renverse devant nous une femme et son enfant à vélo s'en va tranquillement alors que les passants ramassent le vélo et l'enfant plutôt que la femme qui tente en vain de se relever, se tenant la tête entre les mains. Nous enragions face à la dureté de cette scène !
- Qu'avec 1 à 2 $/personnes et par jour, on n'enregistre pas de grande famine puisque le Cambodge reste malgré tout un des importants grenier à riz dans le monde (on mange au moins du riz...), mais pourtant des enfants sont encore vendus pour 20$ par leurs parents sur les réseaux de la prostitution au Cambodge et en Thaïlande;
- Que si la douleur est bien là, un khmère est ultra résistent et ne tombe pas vite malade. Il n'avouera pas souffrir, restera calme et souriant le plus souvent;
- Que derrière la personne de la quasi totalité des 30 ans et plus, des blessures atroces sont enfouient;

Alors, le Cambodge se bat courageusement avec lui-même pour s'en sortir par l'effort inoui des communautés locales, qui doivent oublier que le frère ou le voisin a collaboré avec le régime khmère rouge,  mais aussi avec une génération de grands parents quasi exterminée par le régime de Pol Pot, une génération de parents traumatisée par les horreurs vécues dans l'enfance et des enfants, aujourd'hui en nombre qui appellent à la vie mais subissent les conséquences du passé. Trop de parents boivent pour oublier ou supporter ce qu'ils ont vu ou vécu. Leurs enfants sont tantôt rois, tantôt malmenés, comme s'il n'y avait plus de demi-mesure.  Ainsi il arrive régulièrement qu'un parent batte un enfant ou lui coupe l'orteil ou un doigt pour le punir. Il arrive encore souvent qu'un chauffard achève sa victime évanouie pour éviter les problèmes de délation. Tout cela, parce qu'après tant d'atrocité, la violence n'a plus aucun repère, plus aucune limite.

Le Cambodge est généralement déséduqué par les 25 ans de guerre ou de vies barbares qu'ils ont tous mené pour survivre dans les camps de travail ou cachés dans les forêts parfois des mois durant. L'extermination systématique des intellectuels (et de tous ceux qui portaient même des lunettes) se ressent aujourd'hui par un manque criant de professeurs formés dans les écoles (qui aurait pu les former?) et une maîtrise quasi nulle de l'anglais, même par les guides ou chauffeurs de taxi.

Pas d'assurance véhicule. On s'arrange à l'amiable ou pas du tout en cas d'accident... Pas encore de cadastre, "possession vaut titre" et de retour au pays après la guerre, les plus puissants ont pris les meilleures terres tandis que certains autres squattent encore les parcelles du gouvernement en attendant d'en être chassés et de partir pour une errance, une fois de plus.

En toile de fond, le régime politique continue de s'afficher par les interventions musclées et impunies des polices et milices partout. Corrompu à souhait, comme la police et l'armée, il détourne sans complexe les fonds publiques qui proviennent en fait des organisations internationales sur place et qui tiennent le pays sous perfusion financière tout en y menant de beaux projets indispensables.
D'ailleurs au Cambodge on ne parle pas de politique et on se souviendra de cet italien nationalisé cambodgien qui nous en parlait longuement, soufflant ses demi-mots aux creux de nos oreilles.  On ne parle pas tout court d'ailleurs.  Les discussions ne sont jamais très profondes, au risque de soulever ce qui ne peut être dit.

Même si le plastic pollue les moindres recoins de campagne, aucun produit n'est manufacturé sur place et les familles vivent de pêche et d'agriculture. Dans certaines rizières autour de Kampot au sud on récolte le sel de mer et le poivre mais c'est exceptionnel pour le pays. Une loi oblige encore les familles à exporter leur bon riz (le meilleur au monde et donc à haute valeur ajoutée) et en fait  importer les quantités suffisantes pour nourrir sa population.  On a bien vu à la quasi limite de la frontière thaïlandaise, deux entreprises qui délocalisaient leurs usines d'assemblage de voiture en rémunérant leurs travailleurs de moins de 100$/mois.

Et demain, comment le pays gérera le nombre d'enfants devenus adultes avec leurs propres enfants... la pression sur les terres deviendra majeure... Les défis sont encore grands, mais les Cambodgiens sont résolus à avancer, envers et contre tout ce qui est précisé dans les paragraphes précédant.

Bilan plus perso:
Pays coup de coeur (surtout Siem Reap et Kampot) par la simplicité,la gentillesse et l'authenticité des gens.
Pauvreté effroyable et manque d'éducation criant.
Retour plusieurs centaines d'années en arrière et contraste saisissant avec la Thaïlande (pas de cadastre ni assurance véhicule, seul secteur primaire au chars à boeufs et pas encore de secteur secondaire,...) .
Très beau pays mais pollution omniprésente et manque de traitement des déchets.
Traumatisme et dureté énorme à l'intérieur, mais sourire et volonté de voir un autre Cambodge par dessus tout.
On voudrait y retourner un jour pour voir le Ratanakiri et le Moldonkiri au nord.
Facile pour voyager, même en famille.
Toujours pas de malade, pas même un mal de ventre.
Budget ok (nourriture plus cher, logement et transport ok).
Les filles diront (comme pour le Népal et la Thaïlande): "c'est mon pays préféré".


1 commentaire:

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