L'important n'est pas de nous déplacer mais bien de nous élever. Nous voulons traverser la dernière

mercredi 22 mai 2013

Et la famille dans tout ça... Chapitre II: Ca remue sévèrement !

Rêver sa Vie, vivre ses rêves

Rêver un rêve, 
C'est s’évader vers des plaisirs désirés
Puis les ressasser
Et enfin les rerêver 
Mais  vivre  ce rêve, 
C’est faire l’effort d’y arriver 
Puis le consumer
Et enfin l’assumer 

Suite au premier bilan des 4 mois de chemin-nement, voici nos réflexions après 8 mois...

Nous rêvions de voyage et avons fait le choix réfléchi de le réaliser à travers l’Homme (à la Rencontre de l’autre et des associations)... Nous connaissions l’expatriation dans des conditions difficiles. Nous savions ce qu’était une vie à l’étranger dans des zones reculées, même avec un jeune enfant. On nous avait dit plusieurs fois: « vous avez déjà vécu tant d’expériences à l’étranger, que vous lancer sac au dos avec trois filles, ne sera pas difficile ».

Nous répondions alors que nous partions pour chercher la Rencontre (avec l'autre et nous) et que jamais nous n’avions osé à ce point l’ouverture, tant à notre égard qu’à ceux que nous croiserions en chemin. En fait, à ce moment, nous savions déjà que nous risquions un pari ambitieux et qu’un lendemain ne serait pas souvent pareil au jour d’avant.  Notre seule certitude apportée par l’expérience passée était qu’on voulait dépasser les frontières de ce monde, par la Rencontre d’autres vies. C’est de cette nourriture que nous voulions vivre, peu importe ce que nous verrions ou pas des monuments et sites de tous ces pays.  

En dehors du plus cher (la découverte quotidienne de l’Autre), nous avons presque tout laissé derrière nous. Nous pouvions aller plus libres et authentiques vers la Rencontre.  Sans pied à terre et juste ancrés dans nos bottines de marche, avec sur le dos 50kg et 80€/jour pour vivre à cinq, sans bagnole et sans gsm ou téléphone, sans aucun préjugé et curieux de l’autre, nous étions persuadés de trouver en l’autre de quoi renaître et vivre dès note atterrissage. Sans prétention aucune et pleins de doutes mais d’espoirs aussi d’y arriver via ce grand pari, on s’était ainsi préparé mentalement (bien plus intensément que logistiquement) à vivre un chemin-ement de l’intérieur, autant qu’un voyage tourné vers l’extérieur.  

Très vite notre pari prend forme et les rencontres (même avant départ) se succèdent, courtes ou pas, intéressantes très souvent, interpellantes souvent, très respectueuses de l’autre et sans jugement négatif toujours (presque).  Tout est dans l’« Etre avec une différence que l’on respecte profondément ». La Rencontre est si douce et agréable que nous nous laissons distraire bienheureux. Mais ça n'a pas toujours été le cas. Parfois la Rencontre n’a pas toujours eue lieu quand on le voulait. On se dépense énormément pour la provoquer parfois.  Notre énergie et notre motivation à poursuivre en prend un coup parfois quand nos attentes dépassent certaines réalités. Mais nous continuons d'oser.

Après de magnifiques rencontres au Népal et 15 jours de volontariat dans le sud de la Thaïlande, une première déception arrive à l’ouest de la Thaïlande.  Tout était planifié mais arrivé sur le projet, plus personne ne nous attendait.  
Le Cambodge nous a offert toutes ses promesses et le retour en Thaïlande fût vraiment difficile.   
Nous décidions alors de passer au Laos où d’autres belles rencontres singulières nous attendaient au sein des familles chez l’habitant.  Là-bas, nous n’avons pu visiter qu’un projet, tant ils sont étouffés par la « dictature » et la culture discrète des laos. 
La Chine nous a réservé les rencontres les moins préparées et les plus inattendues.  Côté projet, la dictature nous tenait à l’écart des réalités de terrain et les démarches administratives pour les visiter étaient trop lourdes. Nous restons plus que nourris par toutes les autres précieuses rencontres inédites. 
En Birmanie, on verra.  

Aujourd’hui, nous venons de faire cette expérience jamais vécue et totalement déroutante, de s’adapter des mois durant, sans donner ni recevoir le moindre jugement négatif lors des rencontres (à 1 exception près). Oui, c’est possible dans une relation éphémère, si profonde parfois qu’elle raisonne en chacun avec intensité ! Oui, notre pari de la Rencontre a marché ! On s’est prouvé à nous-mêmes, on s’est offert et on a offert à beaucoup d’autres, un des plus beaux cadeaux du savoir vivre ensemble : se confronter de façon profonde et authentique dans des différences incontournables, mais sans un soupçon de jugement négatif… et ainsi allait la Rencontre. Bienveillante, elle touche chacun en plein cœur et fait (re)naître de si beaux gestes et de si belles paroles, puis couler des larmes de joie, d’émotion ou de tristesse quand il faut se quitter parfois.   

« Que d’amour dégage votre famille». Mais nous la puisons en toi. 
« Quelle force avez-vous de mener ce projet ». Mais il existe grâce à toi. 
« Vous êtes tous si  rayonnants ». Mais c’est que tu veux bien nous voir ainsi. 

On s’est bien demandé alors « pourquoi une telle intensité » ? Que nous arrive-t-il de si fort en nous et à l’égard des autres?  Le processus est lancé et déjà bien ancré en nous. Depuis longtemps, la Rencontre fait son travail au plus profond de nous, insidieusement, intrinsèquement et malgré nous. En quelques temps, nous avions fondamentalement ébranlé les bases de nos valeurs, de notre équilibre du corps et de l’esprit, de nos croyances et de notre confiance en nous, en les autres et en la Vie. Nous sommes même marqués physiquement : nous transpirons de sourires omniprésents, d’une force physique et mentale que l’on ne soupçonnait chez personne d’entre nous, d’une connivence en famille comme jamais ressentie et d’une perte de poids ramenant certains à un plus bel équilibre (-9 kg pour Arnaud…). Bref… comment pouvions-nous tant donner et recevoir ?

Nous vivons au jour le jour, prêts à tout oser.  Ce qui façonne alors très vite notre quotidien est une liberté si vierge et totale.  Nous devons d’un coup remplir nos journées, décider de ce que nous faisons chaque instant qui suit celui que nous vivons.  Nous ne pouvons plus nous laisser porter simplement par les évènements de la vie qui s’imposent à nous.  Nous mesurons soudain le poids et la responsabilité de cette liberté.  Il faut que nos enfants puissent manger, dormir, prendre et garder le goût du voyage à tout prix.  

Le fait de nous porter nomades dans ces endroits inconnus nous met sans cesse à nus. Nous mesurons de plus en plus la valeur de l’éphémère et apprenons à vivre chaque rencontre et découverte avec une intensité jamais éprouvée.  Anouck et Manon auront le plus de mal à avancer dans cette voie et doivent tout apprendre. Profiter sans s’attacher.  Dans un premier temps et pendant plusieurs mois, elles en souffrent toutes les deux, alors que Camille vit entièrement l’instant présent. Nous comprenons que les exigences sont énormes et que notre faculté d’adaptation doit s’affiner sans limite.  

On ne chante plus à table et on mange ce qu’on nous sert dans les restos, même épicés.  
On prend tout type de bus  parfois 7h assis sans décider de quand il s’arrêtera pour une pause pipi (on fait pipi dans un plastic …). 
On va aux latrines comme elles se présentent, même sans porte avec d'autres qui nous regardent.
On dort dans des chambres de trois lits parfois sans fenêtre, on mange autour des rats et des cafards. On change souvent de maison. 
On parle plein de langues différentes, ou pas, et on se débrouille parfois difficilement pour se déplacer, manger ou même trouver à dormir. 
On accepte de ne pas conduire la voiture qui fonce à tue-tête en plein montagne, on encaisse les accidents de bus (en Chine) et de bateau (à Bangkok) sans broncher, sachant qu’il faudra recommencer. 

Nous voulons avancer droit dans notre objectif, mais éviter les problèmes dans des contextes que nous ne maitrisons absolument pas. Dans chaque situation les plus inattendues, différentes dans chaque pays/endroit, nous accordons aussi beaucoup d’importance aux règles de conduite à respecter nous-mêmes, pour nous permettent de voyager fluidement dans une relative sécurité.  Nous savons que si un accident survenait, l’absence de soins de santé de qualité, peut nous mener aux scenarii les plus insupportables.  Cela nous prend de l’espace dans la tête et nous sommes au taquet. Mais les filles ne s’en plaignent jamais et en comprennent vite tout le bénéfice quand on voit que tout se passe si bien. 

Dans ces situations les plus délicates, là où les latrines du village se déversent dans les rues, quand on joue avec des bâtons, quand nous marchons en haute montagne (on en fera peut-être un article), quand l’un d’entre nous se sent affaibli, quand on arrive dans une gare de bus ou de train, quand on prospecte des lieux d’hébergement, quand on traverse les rues si agitées, quand on est à cheval ou sur un porte bagage de vélo ou de moto, quand les filles jouent avec de l’eau, on reste vigilant à ne pas manger n’importe quoi, ne pas mettre ses doigts en bouche, à se désinfecter les mains parfois-même, à ne pas s’éloigner quand on sent qu’il faut rester proches, à ceci et cela… et ça n’en finit pas… 

C'est alors que survient un sentiment de perdition de soi.

Comme ce textile si soyeux et précieux que l’on envoie en machine un jour de grand enthousiasme. 
Après un prélavage il a perdu ses plus fortes odeurs. 
Au lavage, il a perdu ses couleurs. 
La chaleur l’a fait perdre sa texture originelle. 
Il était inodore, incolore et tout flétri. 
Il a séché sous un soleil brûlant des heures durant. 
Et que restait-il alors de lui… 
Rien ne se perd et rien ne se crée pourtant, tout se transforme… 

C’est vrai, nous nous sentons soudain perdus, seuls face à nous-mêmes dans ces environnements inconnus.  Notre sentiment de sécurité est mis à mal dans diverses situations non planifiées, notre envie d'aller au devant de nos peurs nous fait parfois perdre nos moyens. On fait face à des stress ou des angoisses qui surgissent inopinément. Sans échappatoire, nous devons tout vivre et quelque part survivre à nos faiblesses et vulnérabilités. Nous nous étonnons parfois de nos réactions positives ou négatives à certaines situations qui ne s’étaient jamais présentées auparavant. Mis à nu devant soi et les 4 autres, il faut encore se rééquilibrer 24h/24. Nous ne nous sommes pourtant jamais quittés plus d’une heure, à une exception près.  Nous avons besoin de l’autre, au-delà de tout… on redécouvre une forte entraide entre les filles et entre nous. 

Nous sommes comme ce puzzle démantelé 
Qui a tant vécu que les pièces sont écorchés et déformées  
Au point parfois de ne plus trouver leur agencement dans le tableau originel 
Il faut alors prendre le temps de rapiécer patiemment chaque élément  
Accepter les vides et pièces écorchées pour faire renaître une nouvelle image 
…aussi belle, retouchée et plus touchante, modelée par son temps 
Une image qui toujours rappelle le tableau originel 

C’est ici que commence alors le plus difficile pour nous: nous retrouver centrés en chacun de nous et nous reconstruire petit à petit.  Mais il faut le chercher loin son centre parce qu’il est parti profondément en nous à ce stade ; Et il faut réfléchir longuement, pour se reconstruire sans risquer de fondements déséquilibrés qui nous tacleraient violemment sur le tapis d’une vie trop grossière que nous savons au contraire possiblement plus affinée et plus subtile. 

Nous ne pensons pas que le voyage nous change, mais il nous révèle à nous-mêmes. Pour ce faire, il nous dépièce méthodiquement. Pour éviter d’exploser ou d’imploser, nous sentons que l’on doit prendre ici tout le temps pour se rapiécer comme on peut, à deux et avec les enfants, pour retrouver un fond de cette image originelle que nous étions et resterons toujours.  C’est un temps précieux, ce temps qui nous manque tellement d’habitude mais que nous trouvons fort heureusement ici. Ce temps de Vivre si intensément et authentique, qui permet à chacun de trouver en lui les questions qui lui sont les plus essentielles ; Puis de les partager à d’autres qui ont le temps de répondre, pleins d’ouverture, les mots ou des gestes qui leur semblent les plus essentielles. Ce temps qui permet de se recentrer avec soi et envisager toutes les réponses possibles aux questions qui s’imposent à nous et nous mettent face à nous. C’est alors que l’on décide soi-même de changer, ou pas, pour tenir en équilibre physique et mental et ne pas perdre pied. Nous pensons en ce qui nous concerne que ce n’est qu’ainsi qu’on (re)vit/(re)naît grandi, d’une telle expérience de vie. 

Ces quelques mois de chemin-nement et de Rencontres ont été ainsi, intenses et éprouvants à  la fois. L’expérience a été si porteuse en chacun. Les plus petites oublieront vite tout ce qu’elles ont vu… mais probablement jamais ce qu’elles ont décidé de graver au plus profond d’elles-mêmes. Nous pensons maintenant pouvoir oser tout recevoir, le bon et le plus difficile, pour autant que l’on trouve ce précieux temps de pouvoir se recentrer sans cesse au cœur de ce qui nous sommes de si Vivant, forts et fragiles à la fois peu importe. Nous nous connaissons mieux nous mêmes et entre nous et on a consolidé des liens forts en famille.

Tout ceci est notre ressenti d'aujourd'hui, après huit mois passés sac au dos dans le projet qui est le nôtre.  Nous savons que les deux derniers mois de voyage et tous ceux qui suivront, nous ferons encore revivre cette expérience différemment. Mais vivre à cinq ancrés dans ses bottines de marche, avec sur le dos 50kg et 80€/jour, sans gsm, téléphone ni bagnole, sans préjugé et curieux de l’autre, est sans nulle doute une expérience unique, indélébile, qui s'inscrit au plus profond de l'être.

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